Des grands yeux bleus, une silhouette fluette et un caractère d’acier, Vittoria Dentes, Associate Programme Officer auprès de l’ONU, à seulement 26 ans, collabore au programme « Women in Defense and Security Forces » dans les pays du Sahël. Nous l’avons interviewée pour mieux comprendre l’approche de l’organisation internationale vis-à-vis de l’implémentation de la mixité en Afrique dans des pays en situation de conflit.
HM : Salut Vittoria, raconte-nous qui tu es et qu’est-ce que tu fais.
VD : Je suis Associate Programme Officer au sein de l’ONU et je m’occupe plus particulièrement du programme « Women in Defense and Security »dans les pays du Chad, Mali, Niger, Mauritanie et Burkina Faso. Mon travail consiste à participer à la conception des campagnes de communication qui visent à augmenter le nombre des femmes qui poursuivent des carrières dans les secteurs de la défense, de la sécurité et de la justice et à mettre en place les actions et les politiques d’égalité entre les sexes de l’ONU dans les pays du Sahël.
HM : Quels sont les objectifs du programme et qu’est-ce que vous faites concrètement ?
Comme le reconnaît la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies sur les femmes, la paix et la sécurité, les femmes et les filles sont touchées de manière disproportionnée par les conflits armés, à travers les violences et les abus. Elles doivent donc faire partie intégrante de la prévention et de la résolution des conflits. Malgré les efforts déployés au niveau mondial pour mettre en œuvre l’Agenda pour les femmes, la paix et la sécurité, la participation des femmes dans le secteur de la sécurité reste faible et c’est également le cas pour la force conjointe du G5 Sahel et sa composante police. Notre mission est d’opérer un changement majeur dans la société dans des secteurs, comme la défense, la sécurité et celui de la justice, à prédominance masculine et de libérer la parole vis-à-vis des effets néfastes de la guerre dans la vie des femmes. Augmenter la représentativité des femmes dans les forces de l’ordre permet d’enrichir la protection que nos institutions peuvent offrir aux populations locales. Par exemple, la présence des femmes dans les cadres militaires peut contribuer à la réduction des abus et des violence sexuelles lors des conflits ainsi que facilite les enquêtes sur ce type de crimes. Nous agissons en parallèle avec des campagnes de communication et recrutement, comme #PourquoiPasMoi, et des actions de formation et sensibilisation sur le terrain.
HM : Quels sont les freins pour recruter les femmes dans les secteurs militaires et de la justice ?
VD : Il s’agit principalement de freins culturels. Les femmes sont censées s’occuper de la famille dans les quatre murs de la maison. Elles sont considérées comme faibles physiquement et, pour cela, des éléments à risque qu’il faut protéger. Selon la culture prédominante, les femmes ne sont pas en mesure de se protéger elles-mêmes, comment pourraient-elles protéger les autres ? Le travail de notre programme est de dépasser ces stéréotypes et ces idées reçues. A une autre échelle, il s’agit de mêmes problèmes qui rencontrent les femmes de tous les pays de la planète. Toutes les participantes au programme sortent enrichies de la formation et apprécient particulièrement le coaching personnel qui les aide à booster leur confiance en soi.
HM : La confiance en soi est l’un de nos axes de travail prioritaires dans le milieu du nautisme et de la pratique de la voile ! Toutefois, dans notre domaine, nous avons remarqué que la progression n’est pas stable : à des années où il y a plus de femmes, suivent des années où les femmes sont à nouveau minoritaires. Est-ce que vous avez observé une évolution similaire ?
VD : Oui, malheureusement le changement prend du temps. Les variables qui interviennent sont multiples et parfois nous ne pouvons pas les maîtriser. Parfois il s’agit tout simplement de chance.
HM : Pour terminer, qu’est-ce que tu aimes de ton poste et qu’est-ce que te motive au quotidien ?
VD : Ce qui me passionne le plus dans mon travail c’est de voir les résultats humains que l’égalité et la promotion de la mixité apportent aux populations locales. J’ai travaillé dans d’autres missions et entités de l’ONU, dans le trafic de drogues et d’armes, et c’est dans ce que je fais aujourd’hui que je remarque un changement plus profond grâce à mon engagement. Ensuite, il y a des raisons plus « égoïstes ». En tant que femme, bien qu’Occidentale et grandie dans un environnement très dynamique et ouvert, je me suis toujours interdite d’avoir des ambitions « masculines » de pouvoir et d’ascension professionnelle. Aujourd’hui je sais que, si je fais des efforts, je peux, aussi bien qu’un homme, atteindre des postes de responsabilité.Finalement, je bénéficie de l’« empowerement » du programme, moi aussi !